2022 : la glissade se poursuit
Depuis trois mois, il n’est certainement pas reposant de consulter en direct les cotes des grands indices boursiers. Parce que comme moi vous le voyez c’est le rouge qui, la grande majorité du temps, caractérise les indices et qui plus est, le mouvement semble n’aller qu’en s’accélérant, comme en témoigne celui de l’indice S&P 500 qui est entré lundi en mode correction en ayant cumulé une dévalorisation de plus de 20 % depuis le début de l’année.
Donc, encore une nouvelle semaine difficile sur le marché : en trois sessions à peine, c’est près de 10% de la valeur du S&P 500 qui est partie en fumée. Selon la définition classique du terme (-20%) la presque totalité des marchés boursiers nord-américains est officiellement dans un marché baissier (Bear Market). La seule exception au tableau est notre indice canadien TSX. Dopé par le prix des matières premières dont le pétrole, ce dernier a une performance plus que respectable dans le contexte, avec des pertes tout juste au-delà de 10%. Nous aurions plusieurs raisons actuellement de ne pas trop regarder nos portefeuilles de placements mais évidemment nous avons tous une sorte de curiosité presque malsaine dans ce genre de situation.
Il ne reste que quelques heures avant la décision de la Fed quant à sa politique monétaire. Souhaitons-nous que cette dernière crève un peu l’abcès et ramène un semblant d’optimisme et de calme. Quoi qu’il ne faudrait pas être trop optimiste.
L’ensemble des marchés boursiers de la planète réagissent souvent en anticipation et c’est comme si les dernières statistiques sur l’inflation aux États-Unis avaient sonné l’alerte et provoqué une prise de conscience universelle que la situation est encore loin d’être maîtrisée et qu’elle risque même plutôt de s’aggraver.
On se répète mais mince consolation, malgré le fort recul de 2,6 % du S&P/TSX de lundi, le marché canadien des actions n’a pas encore subi une dévalorisation d’aussi grande amplitude que celle enregistrée par les Bourses américaines ou européennes depuis le début de l’année.
On n’est peut-être entré légèrement en « bear market », mais le marché canadien, malgré sa « bonne » performance est tout de même lui aussi officiellement entré en correction, puisqu’il a perdu plus de 10 % de sa valeur depuis l’atteinte de son sommet en début d’année, comme quoi comme disent les anglais : « there’s no place to hide ».
En de pareilles circonstances, il est ENCORE bon de rappeler que les corrections de marché, indépendamment de leur virulence et de leur durée, font partie des cycles de vie normaux de l’investissement boursier. Quand les marchés se mettent à évoluer à reculons et ne donnent aucun signe de vouloir bientôt changer de direction, on a spontanément le réflexe de vouloir sortir à tout prix de cet engrenage infernal et anxiogène.
L’histoire nous apprend toutefois que l’attentisme est toujours plus payant à moyen et à long terme, comme nous le signalent les nombreux épisodes de correction boursière qui sont survenus au cours des 75 dernières années.
Lundi, l’agence financière Reuters rappelait que de 1946 à aujourd’hui, l’indice S&P 500 a traversé 13 marchés baissiers et a enregistré des pertes moyennes de 32,7 %, ce qui inclut la chute brutale de 57 % lors de la crise financière de 2007-2009.
En moyenne, l’indice atteint son niveau plancher un an après avoir officiellement été déclaré en mode baissier (après avoir cumulé une perte de 20 %). Historiquement, il faut deux ans à l’indice pour retrouver le sommet d’où il était parti.
Le dernier marché baissier du S&P 500 a duré un mois seulement entre février et mars 2020 lors du déclenchement de la pandémie alors que le marché baissier le plus long aura duré 69 mois entre l’atteinte du creux et le retour au sommet, lors du marché baissier de 2000 à 2003.
Le graphique ci-dessus démontre bien que la patience est souvent très payante dans les périodes de crises et qu’il faut resté sur le marché :
Les périodes de baisses importantes ont toujours été suivi d’une période de récupération très lucratrive
Les dangers de la synchronicité ou de timer le marché
Beaucoup d’investisseurs ont le réflexe de vouloir vendre leurs positions ou même leurs fonds d’actions dès que leur portefeuille enregistre une perte de valorisation trop importante à leurs yeux.
L’idée étant bien sûr de sauver ce qu’il reste plutôt que de continuer à vivre le supplice d’assister impuissant à la détérioration de ses économies. Certains ont même peur de perdre la totalité de leur somme; chose qui est techniquement impossible dans un fonds mutuel. Plusieurs vont tenter par la suite de revenir rapidement dans le marché quand celui-ci reprendra sa pente ascendante.
Un risque calculé pourrait-on croire, mais honnêtement historiquement pas très payant si on fie au passé. Chercher à vouloir profiter de ce qu’on appelle l’effet de prix, en vendant quand le marché recule et en rachetant quand le marché est en hausse, est en fait la démarche inverse de celle qu’un investisseur est censé adopter.
Il faut acheter quand les prix sont bas et vendre quand ils sont hauts. On ne peut se battre contre les fluctuations et les risques du marché. Quand le marché recule, on attend et on rachète à bas prix pour revendre les titres quand leur valeur remonte.
L’idée est bien sûr, selon notre horizon de placement, de se fixer des objectifs à moyen et à long terme pour obtenir des rendements sur 5 ans et 10 ans qui tiennent compte des hauts et des bas des marchés boursiers.
Personne n’aime voir son portefeuille fondre à vue d’oeil, personne n’aime faire la lecture de ses relevés de placements pour constater les pertes qui, soudainement, apparaissent dans les économies d’une vie. Mais ceux qui savent et qui sont capables de tolérer ces épisodes cycliques vont se rendre compte cinq ans plus tard que cela valait le coup d’être patient et de ne pas succomber au réflexe de tout brader.
À quoi s’attendre des actions ?
Pour les actions, la correction à laquelle nous avons assisté depuis le début de l’année a été en grande partie un ajustement des valorisations à la réalité : une politique monétaire beaucoup plus stricte sera nécessaire pour combattre cette situation d’inflation. On assiste à un redressement des attentes et des anticipations des investisseurs. La baisse de la Bourse reflète des anticipations comme quoi les choses vont mal aller, que la récession s’en vient et que beaucoup de gens auront des difficultés liées à l’inflation qui est élevée. Mais c’est anticipations sont souvent exagérés et font malheureusement effet boule de neige. Il faut rappeler que le marché était très haut (cher) depuis quelques années suite au long cycle haussier que nous avons connu. Cela a provoqué une forte pression sur la demande des action et les prix se sont envolés pour atteindre des coûts supérieurs et parfois déconnectés à la réalité terrain. C’est ce qu’on appelle de la véritable spéculation boursière. Le ratio cours-bénéfice (C/B) est aujourd’hui beaucoup plus près de la réalité et le coût d’achat est donc nettement plus juste et abordable.
Les taux d’intérêt à long terme monteront jusqu’où ?
Les taux obligataires des gouvernements sont en forte hausse. Une hausse des taux entraîne une baisse de la valeur des obligations. Aux États-Unis, le taux de 10 ans a doublé depuis le début de l’année, passant de 1,7 % à 3,4 %. Au Canada, la hausse est plus prononcée encore, de 1,59 % à 3,53 %. Les taux obligataires servent de référence aux taux d’intérêt sur les emprunts. Il faut comprendre qu’une augmentation des taux dix ans a trois fois plus d’impact sur l’économie que la hausse des taux directeurs de court terme. La transmission de la politique monétaire sur l’économie se fait plus rapidement avec les taux longs qu’avec les taux. Ainsi, le ralentissement économique, d’abord prévu en 2023, pourrait être devancé dès la deuxième partie de 2022; si c’est le cas, il n’y aura pas de nécessité d’y aller aussi agressif avec les taux courts.
Quel impact sur le marché immobilier ?
Dans l’immédiat, la hausse rapide des taux obligataires se répercute sur les taux hypothécaires. Le taux fixe 5 ans chez Desjardins par exemple, est passé lundi de 5 % à 5,49 %. Avec un pareil taux, les emprunteurs doivent se qualifier en fonction d’un taux minimal admissible imposé par le Surintendant des institutions financières de 7,59 %. Avant la remontée des taux, le taux de qualification s’établissait à 5,25 %. Avec la hausse de taux d’intérêt prévisible, ça pourrait avoir comme effet de donner des baisses de prix assez prononcées et assez. L’institution financière prévoit que les prix de l’immobilier baisseront de 12 % au Québec par rapport à leur sommet qui sera atteint cet été. Les cas de surenchères vont aussi se raréfier rapidement. Espoir pour les premiers acheteurs… l’abordabilité prendra du mieux à partir de la fin 2023 avec la baisse des prix selon eux.
Comment doit réagir l’investisseur au détail ?
La grande question, n’est-ce pas ? L’investisseur ne doit pas paniquer. Il doit continuer d’investir dans des entreprises de qualité à mesure que leur prix baisse. Un investisseur ayant des liquidités pourrait par exemple investir un dixième de ses liquidités chaque mois dans des titres de qualité. Au terme du processus, son coût d’achat moyen va être bon car il faut rappeler la difficulté de déterminer avec précision le creux du marché. Pour les investisseurs qui craignent la stagflation (un mélange d’inflation et de croissance anémique de l’économie) de surpondérer la part du portefeuille consacrée aux liquidités. À ceux qui veulent une exposition à la Bourse, il indique qu’historiquement, la Bourse canadienne assure une certaine protection en raison de la concentration des titres de ressources, comme les titres pétroliers et gaziers, qui la caractérise.
Longtemps boudés en raison de leurs taux d’intérêt médiocres, les certificats de placement garanti, ou CPG, redeviennent-ils au goût du jour? Les clients. dans un contexte où les investisseurs ont des sueurs froides en voyant leurs placements, ont toujours tendance à lorgner du côté de ces produits à cause de la garantie du capital. Mais n’oubliez pas que choisir un placement garanti rime depuis des années en un appauvrissement garanti (car avant ou après impôts, les épargnants vont faire moins que l’inflation) dans le contexte habituel. Et même avec l’augmentation des taux des CPG, ils sont encore sous le niveau d’inflation. Comme dans n’impot quelle stratégie, il vaut mieux en discuter avec votre conseiller.
En terminant, les périodes de turbulences permettent souvent d’évaluer notre tolérance au risque en pratique et non seulement en théorie et de retourner s’assurer si notre plan financier ou de retraite tient encore la route.
LES MARCHÉS BAISSIERS DU S&P 500 DEPUIS 1987
1987
Aperçu de la chute : – 33,5 % Durée approximative : 101 jours
Krach boursier de 1987
2000-2001
Aperçu de la chute : – 36,8 % Durée approximative : 546 jours
Éclatement de la bulle techno
2002
Aperçu de la chute : – 33,7 % Durée approximative : 278 jours
Éclatement de la bulle techno (bis)
2007-2008
Aperçu de la chute : – 51,9 % Durée approximative : 408 jours
Crise financière
2009
Aperçu de la chute : – 27,6 % Durée approximative : 62 jours
Crise financière (bis)
2020
Aperçu de la chute : – 33,9 % Durée approximative : 33 jours
Grand confinement
(Source : Mackenzie, Fidelity, Banque Nationale, Desjardins, La presse)